Un Noël à Ker

A Ker, il faut ruser pour avoir des sapins: pas  d'arbres sur l'île... Alors il y a les traditionnels sapins

un essai du projet cadeau...

en plastiques qui "fleurissent" un peu dans chaque bâtiment, et puis il y a ceux qui ont un peu plus d'imagination, comme les marins avec leur beau sapin illuminé.Mais faut dire que ce sont eux qui ont les deux électriciens de la base et qui gèrent aussi tout ce qui est fourniture en énergie de la base, alors ils peuvent se permettre de brancher quelques ampoules en rab! Noël a été une fête bien préparée, le Disker voulant que nous la fêtions "en famille". Ça à commencé par les goûters de l'Avent tous les dimanches après-midi de décembre, avec chocolats chauds maisons et viennoiseries préparées par le pâteux. Les projets de concours de crèches et de marchés de Noël ont été abandonnés pour cause de manque en matières premières... Moi j'aurais bien vu un couple de manchots déguisés en Marie et Joseph... mais la ResNat aurait peut-être pas apprécié... On s'est rabattu sur l'idée simple mais sympa d'amener tous un cadeau le jour J et de les tirer au sort pour les redistribuer... Moi j'ai voulu faire du local: j'ai reconstitué un espèce de manchots à partir d'os et de coquillages trouvés sur la plage. Je n'ai pas de nouvelles à ce jour de l'heureux destinataire... il n'a pas du adhérer au concept... peut-être un gars de la ResNat... Moi je suis tombé sur un truc pas mal mais que j'avais déjà (un comble quand même...): un porte-clé lampe de poche... cela me servira si l'autre tombe en panne! Et évidement, qui nous a amené tous ces beaux cadeaux? Le Père-Noël en personne, accompagné de toute sa cour: la Mère-Noël, les lutins,  et son traineau trainé par les rennes (Rodolphe en tête...). 

Le repas aussi était très réussi, après les classiques foie gras et aumônière de Saint-Jacques, nous avons dégusté du rennes de kerguelen, tout simplement délicieux...

des bonbons de Noël

Mais le vrai cadeau le Père -Noël me l'a apporté dans la nuit, je m'en suis rendu compte par l'apparition progressive de grognements de plus en plus proches de ma chambre le 25 au (petit) matin: il m'avait déposé tout juste sous ma fenêtre un paquet de bonbons...de mer évidement, qui sont venu trouver refuge à l'abri de Samuker car le vent s'était pas mal levé dans la nuit, et ils aiment bien se reposer si ce n'est "au chaud", au moins au calme.Ce n'est pas que je leur refuse l'hospitalité, mais ça fait des voisins un peu bruyants, surtout la nuit: il faut savoir qu'un éleph, quand il dort pas, rote à peu près toutes les 10 minutes... en plus ceux là ils sont un peu âgés alors ils muent, et donc ça leur gratte de partout, ce qui les aide pas à avoir un sommeil profond très longtemps... Mais les cadeaux ça ne se refuse pas... 

 

 

 Le 25 décembre a aussi été l'occasion d'aller à l'église, une fois n'est pas coutume, où notre boucher (...) qui est aussi Diacre y disait une prière de Noël, avec lecture de quelques passages de l'Évangile... Si on ne va pas à la messe de Noël à Notre Dame du Vent, alors on ira jamais!

L'autre jolie surprise de la journée, mise à part les bonbons, était que la neige était tombée au sommet des montagnes au loin dans le Golfe, pour mettre un peu plus d'ambiance. Parce que jusque là, avec les pissenlits en fleurs, les jours longs de 16h, et en plein "été", les repères de saison de noël en métropole n'étaient pas là!

Voilà, ça se passe comme ça un Noël à Ker...

Un petit tour et puis s'en va

Déjà un mois que le Marion était parti, et le voilà qui repointe sa proue... Cette fois, je le vois arriver de la terre, et les dizaines de personnes en plus sur l'île pendant l'OP paraissent un peu des étrangers, des intrus, même si il y a un mois  tout juste j'étais à leur place... Quelques invités que je suis heureux d'accueillir quand même: la médecin du Marion et son successeur, le médecin pour Amsterdam, et l'équipe du service médical des TAAF: mon chef et sa secrétaire. Sans oublier mon bibou, qui reste lui bien sûr....

Cinq jours puis il repart, remportant avec lui sa horde de débarquants, laissant quelques campagnards d'été, et reprenant  des hivernants de l'année dernière.  Cette fois, je participe aux aux-revoirs, avec un peu plus d'émotion que le mois dernier, même en un mois,  le nouveau groupe s'était bien soudé.

Et on ne peut pas s'empêcher de s'identifier à ces hivernants qui quittent Kerguelen, on pense que ce moment qui paraît loin arrivera, et que c'est à nous alors que les autres diront adieu...

Le début du syndrome austral ???

Joyeux AnniverKer...

Premier anniversaire à Ker..., fêté comme il se doit à Totoche... Et en souvenir, le bulletin offert par météoKer !

et PAF dans la vue...

Une visite de PAF ça vous dit? Pas de problèmes, laissez-vous guider... Mais je vous laisse d'abord imaginer à partir de cette photo... (ça c'est pas moi qui l'ai prise, on a pas mal de trucs ici mais pas encore de satellites téléguidés, quoiqu'au CNES...).

Allons-y...

 On commence par le commencement: le port, même si c'est pas là qu'on débarque en arrivant du Marion car on descend en hélico... mais c'est là que le chaland embarque et débarque les passagers qui partent dans les îles du golfe. Il appartient donc aux marins, et possède, comme tout bon port son "café du port", évidement...











Ici nous sommes sur la route qui remonte du port pour aller vers le "centre" de la base, je pense que le panneau signalétique est le seul de ce type au monde, mais il n'est pas que gadget car les élephs sont nombreux et ont la mauvaise idée d'avoir la même couleur que le béton... et mériterait donc de figurer au code de la route...On aperçoit en bleu et blanc le bâtiment de "vie communautaire" qui abrite au RDC le resto (dont le nom est en cours de délibération), et Totoche à l'étage. L'espèce de chalet est un bâtiment de logement. et sur la gauche encore on aperçoit mon Samuker!  

Voyons-le d'un peu plus près: la couleur kaki n'est pas très heureuse, mais de l'intérieur, on ne la voit pas... c'est un bâtiment en L, ce qui lui donne sa particularité: abriter un peu du vent et d'avoir permis la pousse d'un des seuls arbres de l'île... (espèce importée...). Je gare devant mon ambulance, qui est un kangoo rallongé.

9a c'est la salle de sport, dans un des derniers vieux bâtiments, ceux construits par les premières missions, plus esthétiques je trouve que nos "nouveaux" à nous des années 70, trop cubiques! Le seul problème dans cette salle,, outre qu'elle prend l'eau et que la température intérieure est à peu près égale à la température extérieure, c'est qu'il ne vaut mieux pas respirer à plein poumons, les doublures sont en amiantes...

A côté du mât des couleurs, le panneau indicateur, si jamais il nous prend l'envie d'aller voir ailleurs... C'est au pied du mat des couleurs qu'on lieu les cérémonies, dirigées par les militaires. La prochaine aura lieu ce lundi, jour férié pour la Réunion, et nous, en mémoire de l'abolition de l'esclavage.

"RM", le premier bâtiment "Radio Météo", années 50 surement... architecture assez atypique... maintenant la radio et la météo ont divorcées, et chacune est à un coin de la base... Rénové l'an dernier pour en faire la bibliothèque, mais ils ont dû oublier en faisant cela d'isoler les murs, donc dur de lire est livre douillettement à l'intérieur...

 Et voilà notre poste! comme à la maison... sauf que même le dimanche elle ouvre parfois... Grosse activité lors du passage du Marion, avec les quelques kilos de lettres et colis en import export...

Parlons bien parlons Pafien

Trois semaines que je suis là donc,et dans ce que j'ai pu apprendre il y a le "langage Pafien" que l'on parle ici... et qu'il est urgent de retenir si on ne veut pas être largué dans les conversations! Alors comme je deviens moi aussi un vrai Pafien, je vais vous donner quelques secrets de ce dialecte pour que vous continuez à me suivre dans ce blog!

Dans le désordre et comme cela me vient, nous avons:

Ker: bon ça vous saviez, c'est le diminutif de kerguelen, mais c'est aussi le préfixe, ou suffixe d'un tas de mots pour adapter le français au pafien (voir plus loin)...
PAF: C'est Port-Aux-Français, c'est à qui, c'est à nous, c'est marqué dessus, c'est le nom de la base de Kerguelen
Pafien: vous aurez compris...
Bib: ça c'est moi, même si on m'appelle un peu plus souvent doc...
Bibou: ça ce sera mon adjoint!
Samuker: nom donné à mon hôpital (remarquez déjà le suffixe...)
Totoche: bar mythique de Kerguelen, nom donné du charpentier qui participa à sa construction, mais ce n'est pas le seul, de bar...
Bonbons: bébés éléphants de mer, pourquoi bonbons? Demandez aux orques...
VAT: "Volontaire à l'aide technique", c'est les jeunes qui n'en veulent, dont la chevelure et la pilosité (pour les mâles), est proportionnelle à leur temps de séjour sur Ker... Mesurent, pèsent, répertorient, relèvent, baguent tout ce qui leur tombe sous la main, qu'il pleuve, vente ou neige...
Manip: Séjour en dehors de la base quand les VAT partent faire leurs expériences...
Manipeurs: ceux qui partent en manip
Pâteux: notre boulanger pâtissier
Disker: il ne vend pas de disques même s'il en possède... c'est le chef de DIStrict de KERguelen...
La Résidence: c'est là où loge le disker
EDK: c'est le service EDF de Ker...
Cinéker: vous aurez deviné (ça y est vous commencez à parler pafien!)
Chaland: notre seul moyen maritime à Ker, qui permet de naviguer dans le golfe, l'actuel s'appelle "L'Aventure II".
La "Resnat": la réserve naturelle de Kerguelen, et ceux qui travaillent pour, un peu les "shérifs" de Ker, version SPAou LPO même si ils aiment pas trop qu'ont le leur dise comme ça...
Zézette: radio VHF que l'on emmène avec soi en manip pour communiquer avec la base. Pas d'explication sur l'origine du terme pour l'instant...peut-être parce que ça grézzzzzzzzzzziiiiiiille pas mal...
Route 66: non, c e n'est pas la route qui traverse Ker d'Est en Ouest... c'est juste celle qui monte de la base au bâtiment du CNES....4 petits kilomètres...mais mythique parce que c'est la seule de Ker, et le restera...
Midwinter: célèbre fête que les hivernants attendent avec impatience, en juin, au milieu de l'hiver

Voilà votre première leçon de tafien/pafien, d'autres termes surement à apprendre que je viendrai noter. Ce langage qui s'ajoute à des comportements et traditions locales, et créent une culture propre à Ker. Et cette culture se transmet de génération en génération d'hivernants, malgré le relatif faible contact entre elles...

Les deux pieds sur Ker...

terminus...

Quinze jours que j'y suis, faut bien que je commence à en parler, surtout que les choses vont assez vite maintenant... Mais commençons par le début: 16 novembre 2010, débarquement à Kerguelen! Après avoir contourné l'île par le Nord Est pendant la nuit, le Marion s'est engagé dans le "Golfe du Morbihan" (celui de l'hémisphère sud...) avec au  bout la base de Port-aux-Français. Une fois le Marion au mouillage, toute la machinerie se met en branle comme à Crozet: on sort l'hélico, on prépare les containers à descendre... 

Premier hélico traditionnel avec courrier postal et passeports des arrivants, et le deuxième sera pour moi! L'OPEA (le chef des opérations), me donne ce privilège d'être le premier à descendre...joli cadeau! Petit survol en hélico de la base, que je ne reverrais sans doute pas si tôt de si haut! 

Cette fois, c'est sur "mon" île que je marche, à la descente, mon prédécesseur m'attend. lLaccueil est assez chaleureux de la part de l'ensemble de la base, le chef a mis un point d'honneur à se que l'on se sente "chez soi" assez vite. 

 Vont alors suivre  4 jours assez chargés, où le Marion videra ses cales de containers matériel, nourriture,  gasoil (pour pas qu'on ai froid...)...et les remplira d'autant de bordel entre déchets, vieilles cuves, matériel en tout genre à récupérer/recycler/foutre en l'air... Le chaland débarque et embarque ce que l'hélico ne peut pas soulever, et quand les containers ne sont pas équilibrés, sous le vent, ça penche!

euh elles sont là mes malles?? 

Mais je resterais assez loin de tout ça, à essayer d'enregistrer les 3 milliards d'informations  que mon collègue essaye de me donner, ses conseils, le fonctionnement de la base, de l'hôpital...

Je serais quand même assez content de retrouver mes malles envoyées à la dernière minute deux mois auparavant, saines et sauves! Quelques bosses mais rien de cassé, elles ont dû en voir elles aussi du pays! L'ouverture se fait grâce à la pince monseigneur de l'hôpital, vu que mes clefs sont à plus de 10.000 km.... Pince que l'on se refile, parce que je suis pas le seul dans ce cas-là! 

Mais je n'ai le temps que de vérifier que l'accordéon n'est pas cassé, car beaucoup de choses m'attendent, comme ranger les 300 kg de matos que l'on vient de recevoir... J'y passerai toute la fin de semaine! Et puis le Marion a déversé avec lui ses virus de métropole, et les premiers consultants arrivent...

Quelques jours plus tard, le Marion doit déjà repartir, il a encore une étape, Amsterdam, avant son retour à la Réunion.
J'assiste au départ de quelques hivernants de la base sur la piste hélico, tous les "anciens" qui restent encore un peu sont là, l'émotion est palpable, on les regarde de loin, pour l'instant ce n'est pas encore notre histoire, eux la finisse, nous nous la commençons..

Dernières rotations de l'hélico avec acrobaties en prime par le pilote qui connait ces moments- là et veut   remettre un peu de baume au cœur à tout le monde, puis le Marion repart, sous le regard de Notre Dame du Vent...

La vie sur base commence!